VIRGINIE EN LAPONIE

Pas de photos, pas de brochure !

J’étais plongée dans mes pensées, en rongeant mon crayon et me demandant dans quel ordre je devrais présenter la nouvelle sélection d’hôtel. J’avais déjà rédigé une grande partie des textes de présentation hier soir lors de mon retour en bus. J’ai travaillé encore un peu à la maison. Valérie, la femme de mon collègue, devait me livrer aujourd’hui les clichés que nous avions pris durant notre séjour. En effet, Marc les avait fait parvenir à un ami photographe pour les développer immédiatement, car je n’avais pas de temps à perdre.

À cause des photos, ma mission était normalement vouée à l’échec ! C’était une notion qui m’avait échappé sur le moment. Concrètement, comment aurais-je pu faire développer aussi rapidement des photos, en faire la sélection à temps avant de tout expédier à l’imprimeur ?

Patricia avait surgi dans le bureau comme une furie, puis, après m’avoir embrassée, me fit la remarque au sujet de ma bouille de petite fille désappointée. Je lui expliquai à quoi je venais de songer et lui dit à quel point Marc me sauvait la mise. Sans son ami photographe, je ne pouvais rien faire. Elle confirma que Francis Martin était vraiment un pourri, mais elle rit ensuite en me disant qu’il aurait pu faire pire et me demander la brochure déjà imprimée dans le court délai imparti ! Nous avons froidement rigolé à cette probabilité. 

Mobilisation générale

Patricia m’a ensuite raconté que mon histoire avait fait le tour des bureaux et que tout le monde trouvait que Francis-le-Tyran avait dépassé les bornes ! Tous étaient prêts à m’aider. 

Ainsi, j’appris que Françoise allait venir à la fermeture de l’agence pour m’aider à saisir les textes au propre. Hervé, du service marketing pour le marché des grandes villes européennes, allait passer en fin de journée pour vérifier la cohérence de ma présentation et de mes textes. Elle ajouta ensuite qu’elle se dépêchait d’accomplir son travail urgent et que, comme promis, elle me taperait ensuite mes textes. 

Alors que j’avais quelque peu retrouvé le sourire, le téléphone de Patricia sonna. C’était le Tyran. Je vis le visage de Patricia se faner et son joli minois confiant prit une teinte rouge qui vira presque au violacé. Elle raccrocha son combiné d’un coup sec et pesta des mots incompréhensibles entre ses dents serrées. 

– On dirait que les murs ont des oreilles et que le Patron a eu vent de l’élan de solidarité qui s’est déclenché autour de toi ! m’informa cette dernière. 

– Ah, bon ? Pourquoi ? Que t’a-t-il dit ?

– Il a soi-disant un gros travail urgent à me donner et je dois cesser immédiatement toute affaire en cours pour Môssieur et son urgence extrême ! En plus, normalement, il ne me donne jamais de travail, tout passe par Marc ! C’est vraiment un gros pervers ce gars.

Conspiration

– Fais ce qu’il faut sans rechigner, je ne voudrais pas que tu aies des ennuis à cause de moi. Ne lui parle surtout pas de moi. Il faudrait dire à tout le monde d’être discret, c’est mieux ! Mais je ne crois pas qu’il ait eu vent de quoi que ce soit. Je pense qu’il doit juste se douter que l’on s’entend bien et que tu vas probablement m’aider. J’ai cru comprendre que Marc et lui ce n’est pas l’amour fou non plus. Il doit penser que Marc t’a donné des instructions pour me guider, alors il te surcharge !

– Oui et bien, il va voir ce qu’il va voir ! Ce soir, nous allons tous partir à l’heure. Nous irons acheter des pizzas à l’emporter et nous reviendrons lorsque nous serons certains que Martin aura quitté les lieux. Nous y passerons la nuit s’il le faut, mais demain ta brochure sera prête à être présentée au patron et à l’imprimeur. Voyons voir… nous sommes mercredi 10, demain jeudi 11. S’il te valide la brochure, tu pourras exiger de lui qu’il te donne toutes les informations sur ton voyage et tu lui imposeras au moins ton après-midi de congé et ton vendredi. Il faudra bien que tu puisses te préparer pour ton départ samedi. 

– Tu crois ? Je ne sais pas si…

– Mais bien sûr, il ne faut pas te laisser faire. Cette fois-ci, il est allé trop loin. Nous sommes tous prêts à prendre ta défense et écrire à la Direction pour qu’il l’envoie au fin fond de la Suisse alémanique, ou mieux encore dans les Grisons, pour finir sa carrière.

Hypothèses 

– Ok, je vais faire comme ça alors. C’est vrai que j’apprécierais de pouvoir préparer mes affaires et organiser mon retour et mes congés de fin d’année. As-tu une idée où il compte m’envoyer

– Bien sûr que tu as le droit de savoir rapidement où il compte t’envoyer. Avec Françoise, on y a songé. On n’a pas vraiment trouvé le lieu de ta destination. Mais on a pensé à plusieurs choses. Les croisières commencent à être à la mode et il y a une compagnie, la Cunard Lines qui cartonne ; elle vend des croisières de luxe dans les mers du sud. Peut-être qu’il souhaite faire une collaboration avec eux et qu’il t’envoie tester le produit. Mais, ça ne colle pas réellement, car une croisière en Polynésie ou aux Caraïbes, c’est cadeau ! 

Je rigolai à son propos et lui confirmai que selon moi, c’était plus qu’improbable. 

– Mais alors ? lui dis-je.

– Eh bien, il reste une destination hivernale. On a pensé aux États-Unis parce que notre offre en hiver est très pauvre, alors qu’il y a énormément à découvrir là-bas, même à la saison froide. Le hic, c’est qu’on n’organise pas un voyage en Amérique au dernier moment. Il faut des visas, voire une invitation, c’est impossible. 

– C’est certain. Si tu veux mon avis, il n’a rien prévu du tout, car il songe juste à me renvoyer. Voilà, c’est ça la vérité !

– Nom d’une pipe, Virginie, arrête un peu ! me réprimanda Patricia. Il est sadique, con, prétentieux, tyrannique, certes, mais avant tout c’est un patron qui doit rendre des comptes à plus haut placé que lui. Non, je pense que la Direction lui a imposé un challenge de fin d’année, et si tu réussis, tu seras la plus culottée de nous tous pour relever le défi. Il reste un endroit probable…

Contre hypothèse

– Ah oui ? lequel ? demandais-je avec impatience.

– Le Grand Nord ! 

– Quoi ? Tu veux dire que la Direction de Nouki voyages aimerait proposer de l’inédit et a demandé à Martin de prospecter au Pôle Nord. Mais c’est moi que cet imbécile va envoyer !

– J’en ai bien peur, oui, ma chère Virginie !

– Oh ben merde alors ! Je me demande vraiment si je ne ferais pas mieux de me faire virer ! 

– Oui, ce n’est pas très attractif ni réjouissant. Mais d’un autre côté, c’est une véritable chance, une aubaine même ! Toi qui rêves d’aventure, là, tu seras servie, et même bien servie !

– Tu parles, “Virginie chez les Esquimaux”, si je perds ma place, je pourrai peut-être tourner un film documentaire ! 


Opération sauvetage

Nous avons beaucoup rigolé toutes les deux, mais c’est avec une boule d’angoisse et de l’appréhension que je me suis mise au travail. J’ai eu du mal à me concentrer, je n’arrêtais pas de penser au Pôle Nord et au froid mordant qu’il devait y faire.

Valérie est arrivée vers midi pour me livrer les photos. Elle m’a appelée du café au coin de la rue, ne voulant pas prendre le risque de se faire voir. Marc lui a donné comme instruction qu’elle était en charge d’une mission top secrète de la première urgence  : me livrer ces clichés à la barbe et au menton de Francis Martin ! Je l’ai donc rejointe au café où nous avons diné ensemble. Je lui ai fait part de la solidarité qui s’était mise en place à l’agence. Elle a ri et m’a avoué que Marc en avait eu vent et que les collègues ont nommé cette mission “Opération sauvetage de Virginie-la-collègue-qui-déchire”. J’ai trouvé cela hyper touchant. Je suis repartie une petite heure plus tard, les clichés sous le bras, le ventre plein et l’esprit joyeux. Je me sentais forte et invincible. L’union fait la force, m’étais-je dit en retournant travailler pour ne pas échouer. Les phoques devront me préparer une petite place, car j’étais décidée à aller leur rendre visite ! 

 À demain, pour la suite des aventures de Virginie en Laponie !

Stéphanie

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