VIRGINIE EN LAPONIE
Une ultime chance
Lorsque j’arrivai à l’agence ce mercredi matin, Françoise la secrétaire m’annonça que Monsieur Martin m’attendait dans son bureau. Je pris une profonde inspiration devant sa porte close, frappai trois petits coups secs et attendis. Mon cœur battait la chamade alors que j’entendais sa voix grave m’inviter à entrer.
Alors que j’ouvrais la bouche pour lui signifier que je ne me laisserais pas faire et que je tenais à conserver mon poste, il fit un geste de la main pour me stopper puis me désigna la chaise devant lui.
– C’est tout réfléchi Virginie, je vous laisse une ultime chance. Mais ne vous réjouissez pas trop vite. Je vous change de département. Je préfère vous tenir éloignée des clients. Votre approche de la clientèle ne correspond pas aux attentes et au sérieux de notre agence.
Cependant, j’ai estimé que nous pourrions exploiter votre créativité au mieux.
La mission de la dernière chance
Je le regardais, interloquée et sidérée par ce revirement de situation. Je ne savais pas si je devais être contente ou pas. J’osai poser la question qui me brûlait les lèvres :
– Qu’entendez-vous par exploiter ma créativité ? Allez-vous me demander de redécorer l’agence ?
Il m’informa ensuite que j’allais exercer mes talents au sein du département Tour Operating et qu’il m’enverrait prochainement en mission prospection dans un endroit inédit pour découvrir de nouveaux lieux pour nos futurs clients. Il m’informa que je partirais dès le lendemain, pour trois jours en Alsace avec Marc, le responsable du service. Nous devions faire la tournée des hôtels sous contrat avec notre agence, car les clients étaient très mécontents des prestations fournies. Nous vendions cette destination essentiellement pour le marché de Noël et les festivités de la Saint-Nicolas. Or les hôtels choisis se trouvaient relativement loin des lieux d’intérêts. Francis me dit que la personne qui avait choisi ces établissements et négocié les contrats ne travaillait plus pour Nouki voyages. Il me fit comprendre que cette employée avait reçu cette mission comme une dernière chance pour conserver son poste. Il me demanda si le message était clair.
Francis me donna ensuite les détails, hôtel par hôtel, de tout ce qui clochait, des critiques des clients et des manquements des hôteliers. Je prenais frénétiquement note de tout ce qu’il disait. J’avais peur de rater une information capitale. Mon patron me rappela que je ne serai pas seule et que je devais profiter de l’expérience de mon collègue pour apprendre un maximum de choses sur l’art de négocier. Si cette fois j’allais être accompagnée, le prochain voyage, je l’effectuerai seule et il s’agissait d’un véritable voyage de prospection.
Virginie au placard !
Il refusa de me dire où il allait m’envoyer. Il m’annonça seulement que je ne serai probablement pas de retour pour Noël. Je voulus contester, mais en croisant son regard lubrique, un brin sadique, je me ravisai. Rapidement, je fis la part des choses. Tant pis pour Noël à Noël. Je fêterai Noël avec maman après la date, peu importe finalement. Il valait mieux ça plutôt que de passer à la casserole, comprendre dans son lit, ou me faire renvoyer.
J’acceptai donc pour la forme sa proposition. Il me renvoya ensuite à mon bureau pour déménager mes affaires dans le bon service qui se trouvait être à l’étage, là où les clients n’ont pas accès. Bienvenue au placard, pensai-je en mon for intérieur.
Alors que je rassemblais mes affaires, je songeais à cet étrange entretien. Finalement, bien que ce ne soit pas à cela que je m’attendais en postulant dans cette agence, j’étais bien heureuse de ce retournement de situation. J’allais enfin pouvoir voyager, continuer à faire des blagues pourries à mes collègues, qui je l’espérais, avaient un sens de l’humour plus affiné que mes clients, m’habiller comme bon me semble et user de ma créativité débordante. J’étais super heureuse de ce qu’il m’arrivait. Je souris en repensant à mon désespoir de lundi soir. Je me réjouissais déjà de pouvoir tout raconter à mes amies. Elles allaient certainement être vertes de jalousie.
Une aubaine ou un piège ?
Une fois mes cartons terminés, je saluai brièvement mes collègues qui étaient aussi étonnés que moi de me voir changer de département plutôt que d’être renvoyée. Alors que je cheminais à l’étage vers mon nouveau bureau, je me demandai si cela n’était pas un piège pour me licencier pour faute professionnelle grave sans avoir à me payer d’indemnités.
Je me persuadai que mon Patron, qui me prenait à coup sûr pour une gourde, s’attendait à une énorme bêtise de ma part, dans un des départements qui était le fondement essentiel de l’entreprise. Mon raisonnement prit place en force dans mon cerveau. J’arrivai à me convaincre que si Monsieur Martin avait refusé de me dire où je devais me rendre pour mon deuxième voyage à Noël, c’est qu’il était certain que je ne partirais pas ; je serais virée avant !
Un lendemain prometteur
C’est dans cet état d’esprit que je fis la connaissance de Marc, le responsable du service et de tous les autres collègues. Le courant passa immédiatement et à nouveau, l’aiguille de mon compteur de bonheur se plaça sur le chiffre maximal. Marc me donna tous les renseignements utiles pour le lendemain, et me fixa directement rendez-vous à la gare Cornavin à 7h précises. Il me libéra ensuite afin que je puisse me préparer tranquillement pour notre expédition strasbourgeoise.
Je me dépêchai de rentrer chez moi et d’appeler Charlotte pour tout lui raconter. Elle était contente pour moi, mais déçue. La veille, après mon départ, elle est restée plus longtemps avec Monique et elles ont échafaudé des plans pour passer les fêtes de Noël toutes les trois.
Je lui proposai de l’appeler à mon retour dimanche et qu’on en reparle tranquillement. Puis, en bonne copine que j’étais, je lui demandai ce qui lui ferait plaisir comme souvenir alsacien.
Finalement, je raccrochai avec Charlotte et j’appelai ma maman pour lui raconter tout ce qu’il m’était arrivé ces deux derniers jours. Je voulais surtout la prévenir de mon absence jusqu’au 6 décembre. Je l’informai ensuite que je ne serais probablement pas à Genève pour Noël. Elle me cacha sa déception et me dit, toute joyeuse, qu’elle était très heureuse pour moi. Elle me souhaita bonheur et succès dans mes nouvelles fonctions.
C’est fou comme j’aime ma maman !
À demain, pour la suite des aventures de Virginie en Laponie
Stéphanie
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