VIRGINIE EN LAPONIE

Un spectacle féérique

Un bruit sourd me réveilla en sursaut. Devant mes yeux pleins de sommeil dansaient des ombres étranges ! Une nouvelle aurore boréale, s’était invitée jusque dans ma chambre. J’enfilai mon peignoir et de gros chaussons et sortis de sous mon volumineux édredon. Je ramassai au passage la couverture qui était nonchalamment posée sur le dossier d’un grand fauteuil en cuir et je vins me lover sur le rebord de la lucarne. Ma montre indiquait minuit et dix minutes. J’avais déjà dormi environ quatre bonnes heures. Je décidai que je passerais une partie de la nuit ici à me régaler de ce spectacle. 

La nuit précédente il y avait bien eu quelques rayons lumineux verdâtre, mais avec la neige qui tombait cela faisait comme un écran opaque qui nous empêchait de voir. Les lumières de la ville n’aidaient pas non plus à observer les aurores boréales. Mais ici, dans cette immense clairière au milieu de la forêt, il n’y avait aucune pollution lumineuse. Les conditions étaient identiques à celle du lac Inari. Le ciel était maintenant très clair sans l’ombre d’un flocon. On pouvait y admirer des milliers d’étoiles. Il me semblait même n’en avoir jamais vu autant.

Un touchant souvenir

J’avais un souvenir d’enfant où mon père m’avait emmenée fêter le 1ᵉʳ août, qui est la fête nationale suisse, au sommet d’une montagne, dans un refuge perdu au milieu d’un pâturage. J’avais à peine cinq ans, mais je m’en souvenais parfaitement. Mon souvenir intact était celui de la Voie lactée et des centaines d’étoiles dans le ciel. Couchée dans l’herbe avec papa d’un côté et maman de l’autre, mon paternel me contait les cieux. Il m’avait nommé chaque constellation qu’il reconnaissait. C’était son dernier été sur terre. Depuis ce jour, j’ai toujours une pensée émue en regardant les étoiles; papa devait être l’une d’elles. C’était peut-être ridicule d’y croire, je suis croyante, je sais très bien qu’on ne devient pas une étoile, cependant, c’était une pensée qui me faisait du bien, me rassurait. Un peu comme si mon paternel me surveillait de là-haut. 

Alors que je rêvassais, le regard perdu dans le firmament, j’entendis à nouveau un bruit étrange qui provenait, semblait-il, de la cabane proche de l’étable. J’en apercevais un tout petit bout du coin de la lucarne. Je pouvais voir des ombres bouger, mais c’était tout. Je décidai de m’habiller chaudement car la nuit avait l’air glaciale. Lorsqu’il ne neigeait pas, les températures descendaient bien au-dessous du zéro. 

Sortie nocturne

Je me glissai sans bruit hors de la maison, équipée de ma lampe de poche et d’une barre d’ovomaltine. Je tentai de marcher vers la cabane, mais je dus renoncer car la neige était trop fraîche et je m’enfonçais trop.

J’aperçus alors les raquettes appuyées sur le mur proche de l’entrée de la maison. Je m’emparai d’une paire et je pus ainsi marcher sans difficulté jusqu’au cabanon. Les rennes avaient disparus. Je m’approchai encore, passai sous l’enclos et vint coller mon nez à la fenêtre du cabanon. Il y faisait noir comme dans un four et malgré le faisceau de ma lampe torche je ne vis rien. J’allais renoncer, lorsque j’entendis le brame d’un renne qui venait de l’intérieur de la cabane. Il fallait que j’entre. Ma curiosité malsaine n’aurait pas supporté que je retourne me coucher sans avoir jeté un œil dans cette mystérieuse cabane, et cela, malgré l’interdiction d’Ilmari. Oui, je sais, ce n’est pas bien. Mais qui a dit que j’étais une fille sage ? 

Alors que je cherchais la poignée de la porte, je vis un étrange faisceau lumineux rouge qui passa sous la porte et rayonnait à travers la fenêtre. Décidément, il se passait ici des événements extraordinaires. Je trouvai enfin la poignée et actionnai le mécanisme, mais il ne se passa rien du tout. La porte resta close. Puis à nouveau un brame se fit entendre suivi de l’étrange lumière rouge, j’appuyai plus fort sur la poignée, donnai un coup d’épaule en m’écriant :

– Saperlipopette, vas-tu t’ouvrir !

Et BOUM ! Je me fracassai à l’intérieur.

La curiosité est un vilain défaut

La porte se referma toute seule derrière moi. Je cherchai à tâton ma lampe et éclairai la porte juste assez longtemps pour voir qu’à l’intérieur il n’y avait point de poignée. J’étais prisonnière de cet endroit ! Zut ! J’aurais pu rêver mieux comme nuit à la ferme ! Dire que j’avais un lit douillet qui me tendait les bras, là-haut dans la maison. Ma lampe torche venait de rendre l’âme. Elle n’avait pas supporté le choc de ma chute. Je tentai de me calmer car je sentais le stress m’envahir. À nouveau, il y eut un brame juste à côté de moi. Je tendis les mains et soudain la pièce s’illumina de rouge. Juste en face de moi, un énorme renne m’observait. Il avait la truffe rouge ! Je me pinçais très fort. Ouille ! J’étais bien réveillée. Je tendis la main pour toucher le nez du renne, et d’une voix incrédule, j’articulai : 

– Rudolf ?!

Au moment où je touchai son nez, le sol se déroba sous mes pieds. Je criai, et chutai sans fin. Je sentais mon corps se désarticuler, mes mains, mes pieds, mes jambes partaient dans tous les sens. Soudainement, je sentis quelque chose de dur sous mon corps et je me mis à glisser en faisant des virages, des loopings et des vrilles. J’avais l’impression d’être dans un toboggan géant. Puis ce fut la fin. La fin de ma chute.

Une étonnante surprise

J’avais atterri dans un énorme panier moelleux remplis de couvertures en patchwork. Je me relevai avec peine en frottant mes membres endoloris. Par miracle je n’avais aucune égratignure. J’observai l’endroit où je me trouvais. Une étrange clarté illuminait la pièce. Partout autour de moi, il y avait des jeux en bois : chevaux à bascule, pantins de bois, cubes de couleurs, maisons de poupées, trains, voitures. Mais aussi des instruments de musique, des poupées de toutes couleurs et tailles, des livres pour enfants, des doudous en peluche, des toupies, des bilboquets, des pupitres à dessins, des jeux de société, des vélos, des patins à glace, des ballons, des costumes de princesses, de cosmonautes, de chevaliers, des dragons en plastique avec des billes rouges en guise d’yeux maléfiques, des licornes en peluche, des….

– Oui, puisque je vous dis que nous avons de la visite…

Une lumière plus puissante éclaira la pièce et me fit mal à la rétine. Je me cachai les yeux d’un revers de main. Je vis de grosses bottes de cuir noir avec un rebord en fourrure qui se plantèrent devant moi ! J’ai reconnu une odeur que j’avais déjà eu l’occasion de humer.

– Regardez-moi ça ! C’est Mademoiselle-la-Curieuse !

Stupéfaction et punition !

Je relevai la tête lentement comme dans un cauchemar, j’avais le cœur qui battait très fort, la bouche béante, les yeux certainement plus grands que la lune de ces dernières nuits. 

– Ferme la bouche Virginie, sinon les lutins vont te la remplir de boudin à la compote de pommes!

– Comment savez-vous que je déteste ça ? fut la seule chose intelligente qui m’était venu à l’esprit.

– Voyons, Virginie, ne fait pas l’idiote. Je sais très bien que c’est un petit jeu dont tu raffoles : te faire passer pour plus bête que tu ne l’es. Foi de Père Noël, ça ne prend pas avec moi.

– Mais, vous êtes Ilmari… Alors, j’avais raison ! Si vous êtes Ilmari, Kaïsa est bien la Mère Noël! 

– Mmmrf ! Si tu veux. Mais cette partie de l’histoire, tu ne la raconteras à personne ! D’ailleurs Mademoiselle-la-Curieuse, ta punition pour m’avoir désobéi c’est que ton voyage en Finlande s’arrête ce soir et ici ! 

– Oh non ! Mais comment ? Et Inkari qui se réjouissait de passer Noël avec moi, et Mikko, et…

– Petite impertinente ! Tu as fait des progrès gamine, mais tu as encore bien des choses à apprendre. Comme de savoir te taire à temps. 

Je ne savais pas si j’avais envie de rire aux éclats ou de pleurer toutes les larmes de mon corps. Je demandai poliment si je pouvais poser une question. Père Noël me fit oui de la tête.

– Comment vais-je rentrer chez moi ? où sommes-nous ? comment vais-je récupérer mes affaires…

– Oh, oh, oh, doucement Gigi ! Une question, pas quinze. Avant de te répondre, je vais t’en poser une moi aussi. Sais-tu où on est là ? 

– Heu, à Rovaniemi, pourquoi ?

– Tssst, Rovaniemi est la porte du Pôle Nord. Le cercle polaire passe très exactement sur le cabanon où tu as vu Rudolf ! Viens avec moi.

Sur le toit du monde

Il m’entraìna dans une autre pièce, puis une autre et une autre encore. Toutes les pièces étaient en enfilade et j’avais la sensation de tourner en rond. Puis enfin, il y eut une grande porte voutée toute décorée de sapins et guirlandes lumineuses avec plein de cannes en sucre suspendues sur les branches de sapins. Nous franchîmes la porte et je découvris une sorte de dôme géant, transparent qui nous enveloppait tout entier. 

– Nous sommes sur le toit du monde, Virginie. Les aurores boréales que tu as eu tant de plaisir à découvrir sont certes un phénomène très scientifique que je ne vais pas t’expliquer maintenant, mais sache que ces aurores sont multipliées et augmentées grâce à ce Dôme; ma maison magique ! 

– Incroyable, incroyable, c’est… WAOU ! Lorsque je vais raconter ça à Monique et Charlotte, elles vont en avaler leurs bâtons de rouge à lèvres ! 

Qui croit encore au Père Noël ?

– C’est ce que tu crois ma petite. Crois-moi, tu n’auras plus que quelques vagues souvenirs de tout cela. Tu penseras à un rêve et lorsque tu auras un vrai souvenir qui te reviendra, tu n’auras pas envie de le divulguer ! D’ailleurs qui te croirait ? Le Père Noël existe ? Plus grand monde ne croit en ce vieux bonhomme. Tu ferais mieux de ne pas trop te ridiculiser devant les gens qui ne te méritent pas. Mais je compte sur toi et ton âme d’enfant pour diffuser un peu de la magie de Noël. Ainsi, le jour où ta propre fille te dira que le Père Noël c’est nul et démodé, et qu’elle voudra faire croire à son frère que ce sont les martiens qui existent et pas le Père Noël, j’espère que tu sauras quoi lui répondre. La punition n’est que rarement une bonne réponse…

– Ça veut dire que je vais avoir un fils et une fille ? Qui sera le père ?

– Virginie ! Incorrigible Virginie. Bon, maintenant je vais répondre à toutes tes questions, sauf celles concernant le futur, mais tout d’abord allons manger ! Je dois prendre des forces pour ma tournée et tu ferais bien de faire comme moi, car ton billet de retour sera mon traineau ! 

À demain, pour la suite des aventures de Virginie en Laponie

Stéphanie

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