VIRGINIE EN LAPONIE

Quatrième dimanche de l’Avent

J’étais attablée en train de savourer mon petit déjeuner composé d’un croissant tout chaud et d’un grand bol de cacao brûlant. Un petit déjeuner pas du tout ordinaire ici, mais c’était Inkeri qui avait voulu me faire plaisir. Elle adorait les croissants à la française et avait appris à les faire. Elle en avait donc préparé la veille pour notre petit déjeuner de ce dimanche matin. Le dernier dimanche avant Noël. Inkeri pénétra soudain dans la pièce comme une tornade. 

– Alors Gigi, tu es prête ? demanda-t-elle.

– Prête ? mais, prête pourquoi ? 

– Il est 9h30 !

– Oui, et alors ? Je n’ai pas d’avion ni de train à prendre…

– Mais, tu le fais exprès ou quoi ? On est dimanche, le quatrième dimanche de l’Avent. Il faut aller au culte, à l’église !

– Ah ! Heu oui, oui, oui ! Donne-moi cinq minutes et j’arrive !

J’avais complétement oublié notre conversation de la veille sur les coutumes, religions et traditions locales. Inkari avait été ravie de savoir que j’étais protestante et qu’il m’arrivait de suivre maman à l’église. Quoi qu’il en soit, j’étais maintenant assise dans le traineau quatre places de la famille. Sven conduisait les chiens et Inkari et moi étions derrière, collées l’une à l’autre sous une peau de renne. 

À l’église de Rovaniemi

L’église était isolée en dehors de la ville. C’était un temps couvert et comme il était encore tôt pour le soleil, il y avait une étrange luminosité. Tout paraissait gris, comme à travers un épais brouillard, sauf qu’on distinguait clairement les choses. Je vis bientôt devant moi une croix rouge briller dans cette grisaille ambiante. 

– On est arrivé, me souffla Inkari.

La bâtisse était en pierre et en bois vernis de couleur foncée. Elle était assez imposante et suffisamment grande pour contenir bon nombre de personnes. Inkari, m’expliqua qu’elle était là pour plusieurs villages et petites villes autour de Rovaniemi. 

Malgré le fait que je ne comprenais rien à l’office, l’ambiance chaleureuse et mystique de ce lieu de culte me transportèrent dans une autre dimension. Je me sentais presque appelée par les cieux. Comme si le toit voûté de l’église allait subitement s’ouvrir et me happer. Je me voyais tourbillonner, suspendue entre ici et là-haut, dansant avec les aurores boréales. Soudainement, je tombai… Inkari venait de me tirer fermement le bras pour me faire assoir. Les chants et la prière étaient terminés, les fidèles s’asseyaient pour écouter le sermon du pasteur.

À la rencontre d’une Communauté

Une fois le culte terminé, Inkari me tira par le bras pour nous rendre dans une salle attenante à l’église. C’était la salle paroissiale où la communauté se retrouvait pour partager une petite collation avant de reprendre la route dans le froid.

Je dégustai un bon Glögg bien chaud et très épicé avec une orange et des biscuits au gingembre et à la cannelle. Je me fis la réflexion que l’orange devait être un luxe ici ce que me confirma Inkari. Il y avait un riche mécène qui offrait régulièrement de bons et rares produits à la communauté. C’était sa façon à lui de s’occuper des gens et de partager sa richesse. D’ailleurs Inkari me le présenta et ce monsieur qui avait beaucoup voyagé était ravi de me faire la conversation. Il me posa plein de questions sur mon métier et le but de mon voyage ici. Il me demanda si je serai présente à Noël. Inkari me fit oui de la tête et j’acquiesçai. Nous prîmes congé de ce monsieur, nous dîmes au revoir d’un signe de main à tout le monde et partîmes. 

De retour à la maison, Inkari mit à chauffer un ragoût d’élan aux baies des bois. Encore une spécialité que je n’avais pas goûtée !  Notre repas avalé, Inkari me proposa une balade en raquette pour aller chercher notre sapin de Noël. Nous partîmes donc avec un traineau et nos raquettes. J’avais mis dans mon sac à dos une grande scie bien emballée dans de vieux journaux et tissus

Une balade en motoneige

Lorsque nous sommes arrivée sur place, nous étions en train de chercher le meilleur endroit pour attacher les chiens, quand tout à coup un bruit de moteur rugit près de nous. C’était un jeune homme à peu près de notre âge, sur une motoneige à trois places. Le jeune homme interpella Inkeri qui échangea un moment avec lui. Inkeri m’expliqua ensuite qu’il s’appelait Torr et qu’il habitait le même quartier qu’elle. Il avait acquis cette motoneige, il n’y a pas longtemps et faisait le taxi pour gagner un peu d’argent afin d’aider son vieux père malade.

Il nous demanda si on voulait faire un petit tour gratuit avec lui. Je battis des mains, enchantée par la proposition. Inkari me regarda d’un œil noir, mais lorsqu’elle vit ma tête s’assombrir, elle me sourit et accepta l’offre. Nous nous installâmes sur l’engin et partîmes sur les chapeaux de roues… ou de chenilles ! Nous avons traversé une petite forêt de hauts sapins puis nous sommes arrivés dans une grande clairière où il y avait une longue bâtisse rouge qui ressemblait à une étable. Inkari m’expliqua qu’il s’agissait d’une ferme de rennes.  J’étais très étonnée d’apprendre qu’il y avait des fermes de rennes. Je lui demandai si je pourrais visiter et s’il y avait moyen de passer une nuit chez ces paysans lapons. Inkari me proposa d’en parler à son père le soir même. 

Un beau sapin

Nous retournâmes ensuite à notre point de départ, là où nous avions laissé les chiens, je donnai un petit billet à Torr et le remerciai pour la délicieuse promenade. Puis, nous avons ensuite chaussé nos raquettes et sommes parties à la recherche de “notre” arbre de Noël ! 

Nous avons trouvé l’arbre parfait et de retour au bercail, nous l’installâmes directement dans le socle prévu pour cet usage, au milieu du salon. Nous avions convenu de le décorer tous ensemble le soir même. Il y avait un nouveau couple d’hôte qui venait d’arriver. Ils étaient d’Helsinki et allaient passer les fêtes ici. Pour l’heure, Inkari m’avait entraînée dans le sauna familial pour nous réchauffer de notre sortie dans la nature, certes magnifique, mais glaciale de ce dimanche 21 décembre.

 À demain, pour la suite des aventures de Virginie en Laponie

Stéphanie

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