VIRGINIE EN LAPONIE
Première balade en traineau
Sven, l’ami de Mikko était venu nous chercher à la gare avec un grand traineau tiré par quatre rennes. J’étais subjuguée par cet animal que je découvrais en “vrai” pour la première fois. Sven nous emmena directement chez lui afin de nous permettre de nous changer, nous rafraichir et boire un thé chaud. La température a été un réel choc pour moi en sortant du train. Nous avions perdu encore dix degrés par rapport à Helsinki.
Lorsque nous avons récupéré un peu de couleurs et enfilés toutes nos couches d’habits, Sven nous a emmenés faire un tour de traineau pour faire connaissance avec notre nouvel environnement. Inkeri, la fille de Sven, nous avait préparés des sandwichs à la viande de renne fumée, que nous avons dégusté pendant notre voyage en traineau.
J’étais complètement fascinée par cette expérience. J’étais assise à l’avant du traineau à côté de Sven avec une grosse peau de renne sur les genoux. La seule partie de mon corps qui était exposée au froid était mon visage. J’avais le sentiment que mille insectes m’avaient mordu les joues, le nez et les paupières. Je me suis faite la réflexion en riant que si les peuples du Grand Nord avaient toujours l’air joyeux, c’était probablement parce qu’ils ne pouvaient pas pleurer… les larmes devaient geler instantanément !
Sven et Inkeri
Sur le chemin du retour, Sven me montra une petite forêt de jeunes épicéas et m’annonça que je reviendrai prochainement avec Inkeri pour choisir notre arbre de Noël. Je posais les questions qui me brulaient les lèvres à Sven.
– Quel âge à Inkeri ? Où est-elle en ce moment ? Que fait-elle dans la vie ?
– Beaucoup de questions fille-des-montagnes-de-chocolat, me dit Sven, amusé. Inkeri a ton âge. Elle a perdu sa maman quand elle avait cinq ans. Maintenant, elle et moi, on est comme vieux couple, affirma Sven en riant. Elle, elle est belle et intelligente comme sa mère, et heureusement pas comme vieux père !
Je souris à sa remarque, lui assurai qu’il se trompait et l’encourageai à poursuivre.
– Elle étudie les langues et tourisme. Elle travaille aussi au café chez Nils. Bientôt, elle va aller chez Mikko pour université à Helsinki.
Je remerciai Sven pour toutes ces informations, et le reste du trajet, je restai silencieuse, en totale contemplation de cette sortie en pleine nature. À notre retour, nous avons mangé une soupe de poisson, testé le sauna familial puis nous sommes allés nous coucher tôt, épuisés par le voyage et cette nouvelle adaptation au climat.
Lorsque je me suis réveillée ce vendredi matin, j’avais envie de rester un peu dans mon lit douillet. Je réalisai que j’avais passé moins d’une semaine en Finlande et déjà, je m’y sentais comme chez moi avec une étrange sensation d’y avoir toujours vécu. C’était très perturbant pour moi, car j’étais véritablement persuadée que j’étais une fille du sud, genre que mon père était le fils d’un roi polynésien…
Un cocon douillet
Cette pensée m’a fait sourire et je me suis dit que, peut-être je m’étais trompée d’ethnie, et que mon père était un fils de chef Sami.
Je décidai de me lever à contrecœur, car j’étais tombée amoureuse de mon lit. J’avais dormi ces derniers jours dans une jolie, très jolie même, chambre d’hôtel avec un lit king size rien que pour moi. Mais ici, dans cette jolie maison en bois, j’avais une chambre relativement petite avec juste le nécessaire.
Il y avait un petit secrétaire, une grande armoire en bois avec les portes qui grinçaient à chaque ouverture, et un lit une place, en bois peint, qui ressemblait à un traineau en plus long. Le lit était sous une fenêtre toute ronde, comme un hublot, par laquelle je voyais les grands arbres en face qui dansaient dans la nuit en agitant leurs branches dénudées et blanchies par la neige. À côté de moi, il y avait un poêle à bois et sur mon lit de multiples couvertures bien chaudes et colorées. Au milieu de ma chambre trônait un gros fauteuil à bascule. J’avais un peu l’impression d’avoir dormi dans la chambre du Père Noël.
Comme j’entendais de nombreux bruits dans la maison, je me décidai à me lever. Je trouvai Inkeri qui s’affairait autour du fourneau.
À la recherche d’Aslak
– Bonjour, me dit-elle dans un français presque parfait. Tu dois être Virginie, n’est-ce pas ?
– Bonjour Inkeri, oui c’est moi, Virginie.
– Café ?
– Oui s’il te plait. Où sont les autres ? Ils dorment encore ?
– Ton collègue est parti à la poste pour téléphoner. Mon père est parti avec Mikko au marché.
– Oh, ils allaient faire les courses ?
– Oui, mais non ! Le but c’est de trouver Aslak. Il semblerait que c’est votre jour de chance parce que notre voisin a vu Aslak hier, ça veut dire qu’il est bien descendu en ville cette semaine. Mon père va le dénicher c’est sûr.
– Oh ! c’est super, ça veut dire que nous allons faire notre balade Hervé et moi ?
– Balade ? Tu rigoles ou quoi ! Vous allez mourir oui ! À ta place, je ne me réjouirais pas trop.
Stupéfaite et sidérée par ces paroles, j’avais la bouche ouverte pour dire quelque chose, mais aucun son ne sortait de ma gorge.
– Ne l’écoute pas Fille-des-montagnes-de-chocolat !
Sven pénétra dans la cuisine chargé de sacs de provisions. Tout en riant, il ébouriffa la tête de sa fille.
– Mais vous comprenez aussi le français ? fut la seule chose intelligente que je pus prononcer.
– Seulement un peu, me répondit-il, puis il poursuivit en anglais — ma fille n’aime pas le froid et elle rêve de grandes villes, de théâtres, de bibliothèques, d’expositions culturelles. Elle dit qu’elle en a assez de faire la conversation aux rennes !
On a trouvé Aslak
Sur ces explications amusantes, Mikko pénétra joyeusement dans la pièce et s’exclama :
– Bonjour Virginie. Tu peux préparer ton sac, nous partirons dans une heure avec Aslak. Lorsque nous serons arrivés chez lui à Ivalo, nous mangerons un délicieux ragoût que sa femme mijote toujours lorsque Aslak s’en va à la capitale, puis nous partirons en expédition sur le lac Inari. Ce soir ma chère, il faut t’attendre à voir le plus beau spectacle au monde !
– Oh super, je suis tout excitée. Mais quel genre de spectacle vais-je voir ?
– Des aurores boréales !
– Des quoi ?
– J’ai dit; des aurores boréales ! Tu ne sais pas ce que c’est ? Inkari était intervenue dans la discussion et venait de me poser la question toute amusée par mon ignorance.
– Heu, non pas vraiment… répondis-je un peu honteusement
– Eh bien, tu verras cela ce soir. En attendant, tu ferais bien d’aller te préparer.
Départ pour Ivalo
Une heure plus tard, nous prenions place dans le 4X4 d’Aslak et cheminions vers le nord du pays. Nous sommes arrivés à Ivalo à 13h30 et Maret, la femme d’Aslak, nous accueillit avec un délicieux ragoût de renne aux pommes de terre.
Maret signifie perle et cette femme portait bien son nom. Elle se prit d’affection pour moi et avait décidé de ne plus me lâcher. Je ne comprenais pas un seul mot à son discours, mais avec quelques gestes et des regards, nous arrivions à communiquer parfaitement. Elle décida qu’elle viendrait avec nous cette nuit pour pêcher sur le grand lac. Aslak voulut s’y opposer, mais Maret lui lança un tel regard qu’il n’insista pas.
À 14h30 alors que le soleil n’allait pas tarder à se coucher, nous partîmes. Aslak et Mikko dans le traineau de tête, suivi par le meilleur conducteur de chiens avec Hervé à bord, Maret et moi dans un autre traineau et deux pêcheurs pour fermer le convoi. Le campement était à une heure de traineaux. Puis, nous avons installé une sorte d’enclos de fortune pour les chiens et nous avons marché pendant quinze minutes dans la neige avec des raquettes aux pieds et j’avais vraiment du mal. Enfin, j’aperçus le campement fait de grandes tentes qui n’étaient ni des tipis ni des yourtes, mais un savant mélange des deux. C’est donc dans l’une de ces tentes (il y en avait trois en tout) que j’allais passer la nuit.
À demain, pour la suite des aventures de Virginie en Laponie
Stéphanie
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