VIRGINIE EN LAPONIE

Shopping polaire

Vendredi 12 décembre, il neigeait. En regardant par la fenêtre de ma chambre à coucher qui donnait sur l’Avenue du Lignon, la seule route qui menait à la Cité, je me suis dit que je n’étais pas encore partie. En effet, s’il continuait à neiger ainsi, l’aéroport risquait de fermer ou du moins de retarder, voire d’annuler des vols. J’étais anxieuse à l’idée de ce voyage, mais en même temps toute excitée par l’aventure extraordinaire que j’allais vivre. 

La neige avait commencé à tomber la veille au soir, puis elle s’était arrêtée, mais il avait gelé, donc la couche du fond tenait bien.

J’avais quitté le bureau après mon entretien avec le Patron, aux alentours de midi, et m’étais rendue au rayon sport du Grand-Passage. Je m’étais acheté un lot de sous-vêtements thermiques en laine de mérinos, un legging noir pour enfiler sous ma robe de Noël que je venais de m’offrir. Il s’agissait d’une magnifique robe longue de velours rouge bordeaux avec des manches trois-quart, un joli décolleté carré et une sorte de capuche avec une bordure en fourrure blanche cousue au col et sur les épaules.

Ovomaltine et cenovis dans les bagages

Un vendeur qui me voyait errer dans les rayons l’air perdu, m’interrogea sur mes besoins. Je lui expliquai en quelques mots et il me conseilla parfaitement bien. Il me proposa toutefois d’acheter une chapka en fourrure, avec des bottes et moufles assorties. Puis, il me vendit aussi une paire de gants fins en laine mérinos pour porter dessous les moufles. Je complétais la tenue par une jaquette en laine mérinos, une parka polaire avec une large capuche à ajuster par-dessus ma chapka. Il me manquait encore une grosse écharpe et un pantalon de ski isolant. Je rentrai chez moi les bras chargés de sacs volumineux contenant tout mon équipement. 

En ce vendredi matin, je regardais donc la neige tomber en me félicitant d’avoir déjà fait la plupart de mes achats, car descendre en ville avec ce temps n’aurait pas été une mince affaire. Il était même possible que les bus ne puissent plus descendre jusqu’aux Tours en bas de la Cité. J’avais donc décidé de rester sagement chez moi à préparer mes affaires pour le lendemain, puis de sortir vers midi pour faire quelques provisions de nourriture.

Gourmande comme je suis, je ne suis jamais partie sans emporter quelques paquets de mes biscuits préférés, des chocolats et des barres d’ovomaltine. Il m’est même arrivé d’emporter un tube de cenovis dans mes bagages. Ah, le cenovis et moi, c’est une histoire d’amour ! Pourtant, aux yeux des non-initiés, cela peut paraitre….”dégueulasse” pour reprendre le mot choisi par mes frères de cœurs, les Bianco. Il est vrai qu’une sorte de pâte brune qui sent la sauce soja ou le Maggi que l’on tartine sur du pain ne donne pas vraiment envie. C’est un peu comme la fondue. Il faut être tombé dans le caquelon petit pour l’apprécier ! 

Marmite de l’Escalade et fondue

Il était presque midi lorsque le téléphone sonna. C’était maman qui venait aux nouvelles. Elle tombait bien, car je venais de réaliser que ma grande valise était restée dans sa cave. Il me fallait aller la chercher. Maman me proposa de m’arrêter au Centre commercial pour acheter une fondue, du pain et de venir chez elle pour la déguster avec Maria qui adorait cela. Elle me convainquit définitivement en me disant qu’il y avait une marmite de l’escalade qui m’attendait. 

Je partis donc faire mes achats et descendis jusqu’au numéro 24 en prenant garde de ne pas glisser, car la neige tenait extrêmement bien. Il y avait déjà une ribambelle d’enfants qui jouaient et criaient dans la poudreuse. Certains avaient commencé à faire des bonshommes de neige alors que d’autres dévalaient la pente, soit sur de vieux cartons, soit sur les fesses et pour les plus chanceux, sur de jolies luges de bois.  J’adorais cette ambiance qui me rappelait de bons souvenirs ! 

Maria, maman et moi nous sommes régalées de notre fondue. Puis sans plus attendre, nous avons brisé la marmite en chocolat.

En effet, le 12 décembre, c’est la fête de L’Escalade. C’est une fête qui permet aux genevois de célébrer la victoire du peuple sur la tentative d’invasion des Savoyards. Et comme le dit le chant populaire : 

Marmite de l’Escalade – Christophe Simond

Histoire de l’Escalade

C’était, comme le raconte l’histoire, par une sombre nuit du 11 au 12 décembre 1602, que les Savoyards ont tenté d’escalader le mur d’enceinte de la ville. Des citoyens ont donné l’alerte et toute la ville s’est réveillée pour défendre la cité.

Réalité historique ou légende, c’est une brave ménagère nommée la Mère Royaume qui aurait saisi son chaudron dans lequel mijotait sa soupe et la balancée sur la tête des Savoyards ! Dès lors, à Genève, nous fêtons cette victoire. Les enfants se déguisent pour commémorer le fait que les gens se sont battus en pyjamas et bonnet de nuit. Nous brisons une marmite en chocolat (en hommage à la Mère Royaume) dans laquelle se trouvent des légumes en massepain et des papillotes de pâte de fruits avec un pétard à l’intérieur ! Ainsi, la tradition veut que ce soit le plus jeune et le plus âgé de l’assemblée qui unissent leurs mains et proclament en chœur :  “Ainsi périrent les ennemis de la République” et BLAM un grand coup sur la marmite qui vole en éclats ! 

La Fête de l’Escalade était sans équivoque une de mes préférées. J’adorais sortir avec mes copines, me déguiser et aller chanter aux portes des voisins. À la maison, nous mangions la soupe aux légumes et cassions la marmite. Mieux encore, j’adorais me rendre au cortège de l’Escalade. Il s’agit d’un cortège qui défile au centre-ville et termine son parcours sur le parvis de la cathédrale Saint-Pierre. Les participants de ce cortège font partie d’une honorable association de passionnés d’histoire, la Compagnie 1602. Ils défilent chaque année depuis bien longtemps, (puisqu’elle a été fondée en  1926) en costume d’époque et aux flambeaux. 

Cortège 1602 – Ana Luthi-Guerrero

Un cortège d’époque, une tradition familiale

Avec maman, nous allions toujours dans les rues étroites de la vieille ville, juste avant la cathédrale pour être vraiment dans l’ambiance de l’époque. Les rues sont éteintes, et on entend les tambours et fifres qui résonnent entre les maisons aux murs de pierre. Les pas des chevaux sonnent sur les pavés de la rue, on renifle à plein nez l’odeur de soufre provenant des canons de fusils, que l’on tire pour l’occasion, ainsi que le combustible des flambeaux. Petite, je fermais les yeux et me remémorais le récit de la maitresse. En une fraction de seconde, je me voyais en fillette de l’époque, en longue chemise de nuit, guettant à ma fenêtre ce qu’il se passait dans la ville. J’avais le cœur qui battait au son des tambours !

Cortège 1602 – Ana Luthi-Guerrero

Après nous être régalée de notre marmite en chocolat qui m’avait plongée dans mes souvenirs d’enfance, je fis part à Maman et Maria de ma déception de ne pouvoir aller à la fête à cause de mon départ le lendemain.

Maria trouve toujours la solution

Maria me regarda étrangement et me demanda si la neige me faisait peur. Je répondis en riant qu’évidemment non, elle me regarda sérieusement et me dit : 

– Alors dai ! Franco va nous conduire en voiture et nous allons y aller à cette fête. Je tiens à boire mon verre de vin chaud aux épices, manger un bol de soupe et écouter les tambours ! Qu’en dis-tu Sofia­ ?

– Oui, bien sûr, allons-y tous les quatre ! N’est-ce pas ma chérie ? me demanda maman.

J’acceptai bien entendu l’offre. C’est pourquoi, dès que Franco fit son apparition, après sa journée traditionnelle de cartes avec ses vieux amis, nous lui sommes littéralement tombées dessus pour qu’il nous serve de chauffeur. Nous nous sommes rendus en premier chez moi.

Maman, et Maria m’ont aidé à boucler mes bagages puis nous sommes partis tous les quatre à l’assaut de la vielle ville. Lorsque je suis rentrée vers minuit, la neige recommençait à tomber !

 À demain, pour la suite des aventures de Virginie en Laponie

Stéphanie

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Note de l’auteure :

Crédit photos : Marmite de l’Escalade – Christophe Simond et cortège 1602 – Ana Luthi-Guerrero . Un grand merci à tous les deux pour ce partage !

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