VIRGINIE EN LAPONIE
Une soirée solidaire
“Thanks God, it’s MY Friday !”, même si on n’était que jeudi. J’étais enfin arrivée au bout de cette semaine intense et riche en émotions. La veille, j’avais tapé l’équivalent des deux premières pages de la brochure lorsqu’il fut l’heure de fermer le bureau. Tout comme mes collègues, je m’empressai de sortir et de leur dire au revoir devant l’agence. Nous nous étions donnés rendez-vous devant le Grand-Passage pour acheter à manger avant de retourner à l’agence. Françoise m’annonça que notre Pervers-national avait réussi à convaincre notre jeune apprentie de l’accompagner au Victoria Hall. J’en fus choquée et demandai pourquoi personne ne l’avait empêchée. Elle me répondit en souriant que tout comme moi, elle avait été mise en garde à son arrivée et que si elle avait dit oui, c’est qu’elle n’avait pas froid aux yeux la “petite”.
J’étais vraiment en pétard contre mes collègues.
– “La petite”, comme vous dites, a tout juste 18 ans. Entre savoir et être capable de dire non à son patron, ça fait une différence ! Pfff, c’est n’importe quoi !
– Ne t’énerve pas Virginie. Tu ne peux pas sauver la planète entière. Elle fera ses expériences comme nous toutes ! ajouta Françoise. Allez, si on allait s’occuper de ton cas maintenant ?
Nous sommes retournés à l’agence en prenant garde de ne pas allumer au rez et sommes tous montés directement à l’étage. Pendant que Françoise et Patricia tapaient les textes à toute allure, Hervé et moi vérifiions la mise en page et ajoutions les textes au fur et à mesure qu’ils arrivaient. À 20h30, tout était terminé. Nous avons mangé notre pique-nique improvisé, bu le champagne que nous avions acheté pour l’occasion et avons beaucoup ri en faisant des blagues sur Martin-le-tyran. Hervé l’imitait à la perfection, surtout lorsqu’il disait :
– C’est cela ouiiii !
Une arrivée tardive pour la bonne cause
Nous avons quitté l’agence à 22h et Hervé m’a conduite en voiture chez moi. Il m’a proposé de venir me chercher tôt le lendemain afin de m’accompagner chez Marc pour qu’il valide la brochure.
C’est ce que nous avons fait et nous venons d’arriver au bureau. Il est un peu plus de 9h15 et l’agence ouvre à 9h. Francis Martin m’a appelée alors que je posais tout juste mon manteau au crochet mural.
– Vous êtes en retard Virginie. C’est mon premier avertissement au sujet de votre arrivée tardive. Pour rappel, je vous attends à midi avec la maquette.
– Oui Monsieur. Désolée pour le retard, j’allais vous appeler pour m’excuser et vous demander d’avancer mon rendez-vous si possible. La brochure sera prête à 10h, soit dans une heure. Je voulais aussi vous signaler que je désirais poser mon après-midi et ma journée de demain. Vous comprendrez que si je dois partir samedi et que je ne peux pas rentrer à Noël, je dois avoir du temps libre pour préparer mes affaires et organiser mon retour pendant les fêtes ! J’ai déjà appelé Marc qui me signera ma feuille pour les RH.
– Eh bien voyons ! Vous exigez maintenant… je vous attends à 10h tapantes et vous avez plutôt intérêt à ce que tout fonctionne.
Un patron sur la sellette
Je tremblais de partout en raccrochant le combiné. J’avais la nausée et une forte migraine. Je n’étais pas malade, non ! C’était juste l’angoisse de le voir lui et de l’entendre me dire que j’allais être renvoyée.
Mes collègues ont été adorables, car ils m’ont encouragée. Ils m’ont dit que la brochure était parfaite et que si je me faisais renvoyer à cause de cela, alors, il devrait virer aussi toute l’équipe. Ils m’ont dit d’avoir confiance et que j’avais tout leur soutien. Ainsi, à 9h50, je quittai mon bureau et descendis à l’agence. Françoise me fit un clin d’œil et me demanda de prendre place dans le petit salon, car elle se doutait que Francis Martin était occupé au téléphone. Supposition qui s’est révélée exacte lorsque la secrétaire a tenté un appel interne pour annoncer ma présence. Cinq bonnes minutes plus tard, la porte du bureau s’ouvrit à toute volée et Francis Martin apparut sur le seuil. Il avait l’air furieux.
– Françoise ! Aboya-t-il, un café serré avec deux sucres, vite ! Puis en tournant la tête vers moi, il ajouta – Ah ! elle est là l’emmerdeuse… Donnez-moi encore cinq minutes.
Il nous claqua la porte au nez.
Françoise me regarda avec un sourire mi-compatissant, mi-moqueur et me dit tout bas en chuchotant :
– C’est la Direction Générale de Nouki… je crois que ça chauffe pour lui !
Le verdict tombe…
Elle alla ensuite préparer le café du Tyran et le lui apporta. Il ordonna à Françoise de me faire entrer. Il resta environ deux longues minutes à siroter son breuvage en me dévisageant par-dessus ses lorgnons et sa tasse. Je n’ai pas ouvert la bouche. Je me suis contentée de glisser mon travail sur le bureau face à lui. Il a continué à boire son café sans un mot. Puis, il s’est mis à feuilleter d’une main la maquette de la brochure. Il reposa ensuite sa tasse à café, me fixa droit dans les yeux et lâcha :
– Mais qui êtes-vous donc, sacré bonne femme !
– Je vous demande pardon ? répondis-je.
– Comment avez-vous fait pour me rendre un travail de cette qualité en si peu de temps, alors que vous n’avez jamais fait de brochure ? Comment avez-vous réussi à vous attirer la sympathie de tout le monde ici ?
J’allais répondre quelque chose, mais il me stoppa net d’un signe de la main. Il m’annonça que la brochure allait être vérifiée cet après-midi et partirait ce soir chez l’imprimeur. Francis me révéla enfin ce qu’il attendait de moi pour la mission qu’il avait prévue de me donner.
Il allait m’expédier en Laponie !
Mon Dieu ; les filles avaient vu juste.
… et la tête du Tyran !
Mon patron m’expliqua qu’il y avait un marché à prendre, car pour l’instant en Europe personne ne vendait du voyage clé en main dans cette région du monde. La Direction de Nouki aimerait trouver une voie royale pour s’approprier ce marché. Il s’agissait donc d’une mission de haute importance. Mission qui pour lui était vouée à l’échec, raison pour laquelle il ne souhaitait pas s’investir lui-même.
Il me donna mes instructions. Mon vol partait samedi pour Helsinki. J’avais une réservation dans le meilleur hôtel de la ville et un rendez-vous avec un agent local. Il m’expliqua ensuite le but de ce voyage et comment mener à bien ma mission.
Il me donna la carte de crédit de l’entreprise, et deux grosses enveloppes de cash. Une pour mes frais sur place et l’autre pour que je puisse m’équiper pour le grand froid. Je devais embarquer avec moi l’appareil photo de l’agence ainsi qu’une caméra. Il me donna aussi le super sac à dos au logo de l’agence que l’on offrait aux meilleurs clients. Il me demanda si j’avais tout compris et si je me sentais capable d’y aller. Je regardais rapidement les 3 pages de notes que je venais de compulser, j’ai souri et je lui ai répondu par l’affirmative. Il me souhaita bonne chance et me libéra. Alors que j’allais franchir le seuil du bureau, il m’interpella :
– Virginie ?
– Oui, Monsieur ?
– Au revoir ! Lorsque vous reviendrez en janvier après votre voyage et vos congés, je ne serai plus là ! C’est Marc qui prendra le relais, du moins, dans un premier temps. Bravo en tout cas : aucune collègue ne m’avait donné autant de fil à retordre que vous. Vous êtes une sacrée nana! Vous ne devriez pas avoir peur des ours polaires ; ce sont eux qui devraient avoir peur de vous!
À demain, pour la suite des aventures de Virginie en Laponie
Stéphanie
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